Rappel des principes de base par T.Ck

RQ : Les images avec un cadre magenta ont un lien internet.

 Avant de rentrer dans le vif du sujet un petit rappel des notions à prendre en compte:

• La greffe est une méthode permettant de multiplier a l'identique une variété sans passer par le semis. Elle est nécessaire pour les variétés stériles (ne produisant pas de pépins) et/ou dans le cas des agrumes afin de contourner le phénomène de pollinisation croisée.

La greffe consiste à implanter un greffon, choisi pour les caractéristiques des fruits produits, sur un porte-greffe, choisi pour sa vigueur, sa résistance aux maladies, son adaptation aux caractéristiques du sol et son affinité avec la variété que l'on souhaite greffer dessus.

Note: Si le greffon n'aura aucun impact sur le porte-greffe, l'inverse n'est pas vrai: le porte-greffe aura un impact sur la qualité des fruits (taux de sucre, taux d'acidité), sur la structure de l'écorce des fruits (lisse ou grumeleuse) et dans une moindre mesure sur la résistance au froid du greffon (certains porte-greffe rentrent en dormance l'hiver, le flux de sève montante étant limité au strict minimum, le % d'eau dans les tissus est faible et ils sont donc moins susceptibles de geler).

• Dans une plante il existe 2 types de sève : la sève brute (ou sève montante) qui se charge en eau, oligo-éléments et minéraux au niveau des racines et monte dans les tissus jusqu'aux feuilles pour permettre à ces dernières de réaliser le processus de photosynthèse au cours duquel sont synthétisés les sucres et glucides nécessaires au développement global de la plante; et la sève élaborée (ou sève descendante), qui va transporter ces éléments vers les fruits et les racines afin d'être stockés.

La sève brute et la sève élaborée circulent dans la plante via 2 canaux séparés: la sève brute monte par le xylème (ou aubier); la sève élaborée descend par le phloème (ou liber). Ces 2 'canaux' sont séparés par le cambium, l'équivalent d'une moelle épinière qui produit indifféremment des cellules de phloème et de xylème.

• La greffe consiste a juxtaposer étroitement les cambiums du greffon et du porte-greffe. Si tout se passe bien des cals cicatriciels se forment au niveau des 2 cambiums qui vont finir par fusionner et créer de nouveaux vaisseaux conducteurs de sève brute et de sève élaborée. La circulation de la sève est rétablie, le greffon est alimenté en sève brute par les racines du porte- greffe et développe des feuilles afin d'alimenter le porte-greffe en sève élaborée.

• Selon les techniques de greffes employées, les porte-greffes, les greffons, leur vigueur et leur affinité avec le greffon, le bourrelet de greffe (zone cicatricielle recouverte d'écorce) est plus ou moins visible. Les affinités entre greffon et porte-greffe sont principalement caractérisées au niveau de l'aspect du bourrelet de greffe (voir illustration). Si le décalage est trop accentué (à moyen ou long termes) la zone de greffe devient le talon d'Achille du plant plus exposé à la casse en cas de vent ou offrant une porte d'entrée aux maladies et aux ravageurs.

Callogénèse = création de nouveaux vaisseaux conducteurs qui relient greffon et porte-greffe

1- Juxtaposition du greffon (G) et du porte-greffe (PG)

2- Création de cellules cicatricielles (cal) par les cambiums du greffon et du porte-greffe

3- Différentiation de cellules du cal en un cambium qui relie les deux cambiums

4- Création des vaisseaux conducteurs par le nouveau cambium

L’aspect du bourrelet de greffe

Les techniques de greffe des agrumes

S'il existe une multitude de techniques de greffes développées au cours des siècles depuis l'antiquité, certaines sont plus adaptés aux agrumes que d'autres.

On distingue principalement les greffes de rameaux et des greffes de bourgeons:

La greffe de rameaux consiste à implanter un scion aoûté comportant plusieurs bourgeons (généralement 3) desquels se développeront la ramure et le feuillage. S'agissant d'un rameau complet (comportant écorce, liber, cambium, aubier, bois - cf publication précédente) les cals cicatriciels se formeront autour du bois/de la moelle mais la ceux-ci ne fusionneront jamais (à la différence des autres couches). Elle permet d'obtenir un plant pouvant fructifier très rapidement (dès la seconde année de greffe) et est surtout utilisée pour multiplier les plants destinés à un usage ornemental.

Relativement simple à effectuer, elle est adaptée aux porte-greffes de petit à moyen calibre (moins de 2 cm de diamètre). Ce sont généralement des greffes hautes, minimum 30-40cm plutôt destinées à former des arbres en forme de buisson. La ligature sera effectueé de bas en haut au moyen de Flexibande ou à défaut avec du scotch d'électricien qui fait très bien l'affaire, l'objectif étant de plaquer étroitement les cambiums sans aucun vide entre les deux. Elle se pratique entre avril et juin et/ou en septembre. Ces greffes ne nécessitent pas de tire sève, le porte-greffe est décapité juste avant l'implantation du greffon qui est quant à lui débarrassé des feuilles et épines tout en faisant bien attention à ne pas endommager les bourgeons.

En fonction du diamètre du porte-greffe les principales techniques sont :

• La greffe a l'anglaise simple, idéale sur des porte-greffes de petits à moyen diamètres mais nécessite d'avoir des greffons de diamètres sensiblement identiques. Donnée pour la plus simple elle nécessite cependant une attention accrue lors de la ligature afin de ne pas décaler l'alignement des cambiums.

• La greffe a l'anglaise compliquée, plus difficile à préparer mais plus facile à ligaturer. Il convient de bien faire attention au sens du biseau : une fois le greffon et le porte-greffe entaillés en biais, retourner le greffon tête en bas, le rapprocher du porte-greffe et pratiquer l'incision verticale 1/3-2/3 au même niveau. Retourner le greffon dans le bon sens et l'insérer dans le porte-greffe avant de ligaturer.

• La greffe en fente classique, la plus simple. En cas de décalage important entre la taille du greffon et du porte-greffe veillez à faire coïncider étroitement les cambiums sur au moins 1 coté plutôt que d'essayer de le centrer.

• La greffe en pendule, variante de la greffe en fente moins « agressive », la languette supérieure du greffon recouvre la zone de coupe du porte-greffe et permet de la protéger en offrant une cicatrisation plus nette.

• La greffe en incrustation, ici porte-greffe et greffon sont entaillés en V ce qui nécessite une bonne pratique afin que les deux incisions soient parfaitement ajustées. On la pratique sur de gros porte-greffe, souvent dans le cadre de la régénération d'un arbre adulte.

• La greffe en couronne consiste à glisser le ou les greffon(s) entre l'écorce et le tronc du porte- greffe, contre le cambium. Si c'est une méthode assez facile elle nécessite cependant un porte greffe de bon diamètre (minimum 3cm).

La greffe de bourgeon (oeil) est la plus pratiquée pour la production de plants destinés à l'agrumiculture. Un seul bourgeon est incrusté directement sur le tronc du porte-greffe. Dans ce cas le greffon ne comportera pas de bois/moelle, seul l'écorce, le liber, le cambium et l'aubier seront implanté directement créant une continuité directe (le futur bois se développera 'naturellement' depuis le porte-greffe). Du bourgeon sortira une pousse qui sera ensuite conduite verticalement, taillée à la hauteur souhaitée et de laquelle se développeront les branches destinées à porter les fruits. Elle permet de privilégier dans un premier temps le développement de la ramure et est plutôt destinée à la production d'arbres de plus grande taille destinés à la culture en pleine terre. Elle est généralement effectuée plus bas que pour les greffes de rameaux surtout dans le cas de la formation complète d'un nouveau plant (15-20cm) mais peut aussi être effectué très haut (c'est souvent le cas quand on souhaite changer de variété sur un arbre établi et profiter de la ramure présente : les espagnols l'utilisent largement dans ce cadre sur des arbres de 15-20ans).

En fonction de la période à laquelle elle est effectuée on parle soit de greffe à œil dormant soit de greffe à œil poussant. La greffe à œil dormant s'effectue en automne, dans un premier temps la jonction des canaux de sève se fait mais le bourgeon ne débourre qu'au printemps suivant. La greffe à œil poussant se pratique dès le mois d'avril, le bourgeon se mettant à se développer dès que les canaux de sève sont reconstitués (on veillera alors à protéger le plant du vent, les tissus n'étant alors pas encore totalement soudés).

Dans les greffes à l’œil, il convient de greffer sous un rameau qui va servir de tire-sève pour alimenter le bourgeon greffé et de supprimer tous les rameaux situés en dessous de l'œil greffé. On prélève un œil/bourgeon bien formé idéalement à la base d'une feuille que l'on supprime tout en conservant son pétiole qui permettra de manipuler le greffon sans toucher le cambium lors de sa mise en place. Ici la ligature s'effectuera de haut en bas en veillant à ne pas recouvrir l’œil et son pétiole. Afin de diriger l'afflux de sève vers l'œil greffé il est préconisé soit d'arquer le rameau tire-sève soit de le plier (sans le casser totalement). La chute du pétiole deux à trois semaines après la greffe est généralement le signe que la greffe a bien pris. Une fois que l'œil a démarré il convient de supprimer le tire-sève et de tuteurer la pousse verticalement dès qu'elle est semi-aoûtée.

2 techniques sont couramment utilisées :

• La greffe en écusson, la partie supérieure de l'œil prélevé taillée horizontalement, la partie inférieure est biseautée. L'œil est inséré dans une encoche en T réalisée sur le porte greffe, sous l'écorce, jusqu'à ce que la partie horizontale de l'œil vienne butter sur la barre horizontale de l'entaille en T du porte-greffe.

• Le chip budding, ici le porte-greffe est simplement légèrement écorcé sur une zone de taille identique à l'œil à greffer, l'œil est appliqué directement sur la zone et ligaturé.

POINTS D'ATTENTION:

• Avant toute chose il conviendra de bien désinfecter sa lame (greffoir, Opinel lame inoxydable ou cutter) idéalement à l'eau de javel pure ou à la flamme avant toute utilisation et entre les coupes sur des arbres différents!

• Ne pas hésiter à s'entraîner sur tout ce que vous avez sous la main, tailles de haie, rosiers, etc avant de vous lancer afin d'acquérir une certaine maîtrise des gestes. On n'oublie pas que la lame s'utilise toujours de soi vers l'extérieur afin de limiter les risques de coupure.

• Pour les greffes de rameaux ou pour celles à œil poussant il convient de procéder sur des porte- greffes qui soient bien en reprise de végétation. Si le flux de sève n'est pas suffisant, l'écorce sera difficile à soulever et la reprise de la greffe plus hasardeuse. De même il convient que le porte-greffe ait été correctement arrosé afin que le flux de sève soit optimal.

• Afin d'éviter le dessèchement du greffon tant que l'aubier ne sera pas reconstitué (et donc en mesure d'alimenter le greffon en eau), envelopper le greffon (greffe de rameau) de Parafilm avant de l'insérer. Si vous n'en avez pas pensez à coiffer votre greffon + point de greffe d'un petit sachet plastique.

• Protéger le plant greffe d'une exposition directe aux rayons du soleil, le maintenir dans des conditions de températures optimales (entre 15° et 25°C) et arroser sans excès.

• Dans le meilleur des cas les greffes peuvent démarrer en 30 jours mais elles peuvent prendre beaucoup plus longtemps (jusqu'à 1 an ou plus). Tant que le greffon reste bien vert il peut débourrer.